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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 12:12

La conscience écologique

Magnifique entretien, ce matin, dans Répliques, sur France Culture, grâce à Alain Finkielkraut, avec Michel DEGUY, poète, essayiste et philosophe, auteur dernièrement (parmi 500 publications !) de La fin dans le monde chez Hermann (novembre 2009) et André LEBEAU, géophysicien et ancien directeur général de Météo France, qui a écrit L’enfermement planétaire (Gallimard, octobre 2008).

Le principal mérite de cet entretien est sans doute de préciser enfin clairement les points essentiels :

Le constat de la situation actuelle des habitants de la planète n’a pas à être qualifié d’optimiste ou pessimiste : il est correct ou incorrect, complaisant ou pas. Or, il suffit de confronter les données démographiques, la limitation des ressources fossiles (en particulier le pétrole dont le maximum d’exploitation sera atteint dès 2020, après quoi s’installera une pénurie d’autant plus grave que le modèle de développement américain continue de s’étendre à des continents qui sont encore à l’aube de leur croissance) et la dimension du temps, pour comprendre que ce constat est clairement catastrophique. C’est brutal et non pessimiste. Il faut dénoncer l’absurde « optimisme béat » des économistes et des technologistes : la technologie est le problème – pas la solution ! Mais c’est, encore et toujours, l’esprit humain qui porte la solution, même si le XXe siècle nous a apporté toute une série de « sans précédent », au sens propre : c’est ce que refusent encore de reconnaître, dénonçait l’émission,  les « optimistes » du constat, répétant à l’envi qu’il n’y a rien de nouveau, que nous avons déjà vécu des changements climatiques, des crises énergétiques, que nous les avons toujours surmontées et donc (sic) que nous surmonterons celles-ci !

A situation sans précédent, il faut trouver, comme le soulignent Michel DEGUY et André LEBEAU une solution sans précédent et non pas faire confiance, comme nous le sussurent constamment économistes ou politiques, au business as usual… Le poète de « l’allégresse pensive » (voir le Colloque de Cerisy de mai 2007 sur et avec Michel DEGUY) et le scientifique s’accordent avec Alain Finkielkraut dans une « lucidité optimiste » reconnaissant, certes, avec Primo LEVI que « la recherche est le fatum de l’humanité », c’est-à-dire que celle-ci est toujours condamnée à avancer toujours plus loin dans les découvertes dont elle est capable, même quand les risques sont de plus en plus grands par la maîtrise sans précédent qu’elle procure – mais croyant aussi aux ressources de l’esprit humain.

Le problème que les habitants de la planète rencontrent déjà pour beaucoup aujourd’hui, et rencontreront de plus en plus – et cette fois tous sans distinction –, ne peut être résolu ni par les seuls « gestes écologiques » individuels, ni par les Etats, qui privilégieront toujours leur « intérêt général » national, au détriment de l’intérêt général planétaire, ni par le fonctionnement libre du « marché », ni par une confiance aveugle en la technologie à venir, mais seulement par l’invention d’un fonctionnement supranational contraignant, dans les domaines fondamentaux de l’accès à l’eau, à l’alimentation et à l’habitat (ressources naturelles et énergie comprises), sur le modèle de ce que l’Europe a déjà commencé à mettre en place avec le Parlement européen, ses Directives et sa juridiction.

On pourrait être tenté de penser que les états-nations étant la cause du problème, la solution serait un « état mondial » ou une « gouvernance mondiale ». C’est bien la division du « monde » en états-nations qui est responsable du problème actuel et de l’impasse où tous sont dangereusement engagés ; mais c’est un héritage historique, qu’il faut aujourd’hui aménager, non par un « gouvernement mondial » ou un pays (on sait bien lequel) « gendarme du monde » - utopies dangereuses, mais bien par un « abaissement des frontières » contraignant, encore une fois, dans les domaines essentiels cités, à un véritable « partage » indispensable, à l’opposé des « lois du marché » ou des volontés nationales qui nous préparent des conflits ravageurs qui n’épargneront personne, surtout pas les mieux nantis actuels.

Il ne s’agit pas de niveler les souverainetés et diversités nationales qui font nos (vraies) richesses, mais dans un petit nombre de domaines dont les enjeux dépassent les limites locales, de s’élever, de surmonter les frontières pour accéder à la conscience  de restrictions communes et d’un partage nécessaire.

Sans ce partage, ce n’est pas seulement d’ « inégalités » mathématiques et quantitatives qu’il faut parler entre les humains, mais bien plus fondamentalement de « mortalité/immortalité » différente… Ce n’est pas d’inégalité qu’il faut parler, ni même d’inéquité, mais d’une atteinte tellement profonde à l’humanité, tellement révoltante et inacceptable, qu’on voit bien à quels soulèvements sans précédent elle conduit…

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